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Qu'est-ce que le deuil périnatal ?
Selon les spécialistes, en Suisse, une grossesse sur cinq n’arrive pas à son terme. Fausse-couche, grossesse extra-utérine, mort in utero, interruption volontaire ou médicale de grossesse, mort peu après la naissance ou dans les premiers mois de vie: autant de problématiques qui se regroupent sous le terme général de mort périnatale. Encore tabou il y a quelques années, le deuil consécutif à ces situations est un sujet en émergence: de nombreux témoignages de parents concernés fleurissent dans la littérature et les milieux professionnels développent de plus en plus des démarches concrètes d’accompagnement pour que cet événement soit reconnu et non plus étouffé par une «conspiration du silence»...
Si la mort périnatale se définit, selon l’OMS, comme la perte survenant entre la 22e semaine d’aménorrhée (ou quand le foetus a atteint un poids minimum de 500 grammes) et le 7e jour de vie, plusieurs spécialistes préfèrent élargir cette définition. D’un point de vue psychologique, le deuil périnatal concerne donc aussi les pertes survenant plus tôt dans la grossesse, les décès de bébés durant les premiers jours ou mois de vie, ainsi que celles liées à des nouvelles techniques telles que la réduction embryonnaire. Le choix d’élargir cette définition peut s’expliquer par l’évolution de nos sociétés.
Une grossesse, c’est l’attente d’un «heureux événement». Et, soudain, dans ce contexte de transmission de la vie, la mort surgit. Une perte périnatale entraîne un vrai deuil. Et s’il n’est pas exactement comme les autres deuils, il n’en est pas moins semblable de par son déroulement. Le processus de deuil comporte diverses étapes, que nous résumons ici de la manière suivante: phase de choc et de sidération, le déni puis l’acceptation progressive de la réalité, l’expression d’émotions (colère, tristesse, culpabilité), dépression et réorganisation. Cependant, le deuil périnatal est différent des autres de par sa nature. En effet, les parents perdent quelqu’un qui n’a pas ou peu vécu et qui n’a pas (ou peu) eu d’existence autonome. C’est dans cette réalité, cette dimension du non-accomplissement d’une vie, d’une perte non pas d’un passé commun mais d’un avenir possible, que résident sa spécificité et sa complexité.
D’autres aspects sont spécifiques au type et aux circonstances de la perte. Les pertes de grossesses précoces, par exemple, sont souvent mal acceptées par les parents: elles n’ont souvent pas de causes connues d’une part et, d’autre part, l’entourage et le monde médical sous-estiment le lien d’attachement mère-enfant et n’en reconnaissent donc pas les conséquences. Dans les situations de mort in utero, il y a souvent confusion entre la naissance et la mort lors de l’accouchement, tant chez les parents que chez les soignants. L’Interruption Médicale de Grossesse, quant à elle, est une situation particulière: la phase du choc se vit lors de l’annonce du diagnostic et par la suite, c’est toute la question du «choix», difficile à vivre et culpabilisant, et du bienfondé de la décision qui se posent.
Une perte de grossesse est un événement traumatique pour les personnes qui le vivent, indépendamment du stade gestationnel. De plus, outre l’absence de traces tangibles de l’existence de l’enfant, la non reconnaissance sociale du deuil, l’absence de possibilité de donner une identité au bébé (inscription dans le livret de famille) rendent ce deuil encore plus difficile à vivre.
Chacun des parents réagit de manière différente à cet événement traumatique, ce qui n’est pas sans conséquences sur la relation de couple. La mère vit ce deuil avec intensité à tous les niveaux de son être. Elle porte psychologiquement et physiquement son enfant et un lien d’intimité se crée tout au long de la grossesse. Cet événement la meurtrit dans sa chair, car son corps de femme est fait pour donner la vie et pourtant il est devenu porteur et donneur de mort. Du côté du père, la blessure se situe davantage dans son rôle: il a «failli» dans sa fonction protectrice et de soutien de la femme enceinte. De plus, il se sent responsable de soutenir sa femme dans cette épreuve, ce qu’il fait au détriment de l’expression de ses propres émotions, qui ne sont d’ailleurs que peu reconnues et écoutées par la société.
Les autres enfants de la famille, sont, quant à eux, souvent laissés de côté dans cette épreuve familiale par souci de protection... Pourtant, les enfants ont une grande sensibilité et «entendent» les non-dits. Il est donc important de répondre à leurs questions et de leur expliquer ce qui est arrivé. Ainsi, ils peuvent exprimer leur souffrance et se déculpabiliser; la grossesse de leur mère peut en effet être source des sentiments très ambivalents et dans le cas d’un décès périnatal, ils peuvent facilement imaginer que leur voeu secret s’est réalisé... Ce contexte de vérité est aussi primordial pour les enfants suivants, afin qu’ils ne viennent pas combler un vide et être ainsi «un enfant de remplacement».
Pour chaque membre de la famille, la tristesse et la culpabilité sont sans aucun doute les deux grands symptômes du deuil périnatal. Du temps est nécessaire pour se remettre de la mort du bébé. Il est important que cette souffrance ne reste pas cachée et solitaire mais puisse s’exprimer dès son origine au sein de la famille, de l’entourage, avec des professionnels ou au sein de groupes de soutien.
Texte tiré d'un article paru dans la revue Soins Infirmiers d'octobre 2006, écrit par Jocelyne Métrailler Al-Sayegh avec quelques modifications apportées par nos soins, si vous souhaitez le lire dans sa version originale et intégrale, voici le lien :
http://www.agapa-suisseromande.ch/00_donnees_utilisees/02_contenu/S54_56.pdf